La développement durable est, au sein de notre société, une préoccupation qui est désormais impossible d’éviter. Les pouvoirs adjudicateurs se trouvent au premier rang pour améliorer cet aspect en Belgique. En effet, les marchés publics représentent un enjeu économique de taille : 50 milliards d’euros, soit près de 20.000 marchés publics lancés chaque année. Ceci représente plus de 15% du PIB belge.
De ce fait, l’introduction de critères relatifs au développement durable dans les marchés publics peut donc influencer de manière conséquente le marché. Comment les marchés publics peuvent-ils être un instrument de levier ? Quels sont les outils pour aider les pouvoirs adjudicateurs à franchir le cap ? Quelles sont les mesures prises par les gouvernements pour « améliorer les performances environnementales des marchés publics » ?
Découvrez à travers cet article où en est la Belgique pour rendre sa commande publique plus responsable et durable.
1. Définition de marchés publics durables
Une circulaire fédérale du 16 mai 2014 donne la définition suivante des marchés publics durables :
“ Des marchés publics durables concernent des processus de passation de marché public dans le cadre duquel les pouvoirs publics cherchent à obtenir des biens, des services et des travaux dont l’incidence environnementale et sociale négative sur toute leur durée de vie sera moindre que dans le cas de biens, de services et de travaux à vocation identique, mais ayant fait l’objet de procédures de passation de marchés ne tenant pas compte de ces aspects. A cet effet, il convient de tenir compte des trois piliers du développement durable et plus particulièrement :
(1) protéger l’environnement et réduire l’empreinte écologique de la consommation des services publics;
(2) encourager le travail digne, les conditions de travail et les emplois verts;
(3) améliorer la qualité de la croissance économique, de la compétitivité des entreprises et des conditions de concurrence en créant des règles du jeu équitables, afin de permettre à suffisamment d’entreprises de concourir pour les marchés publics »
Le concept de développement durable est découpé en différents domaines. Outre, le domaine économique, qui est en grande partie inclus dans la réglementation relative aux marchés publics, les marchés publics durables couvrent également d’autres domaines :
- Environnemental : cela consiste, par exemple, à éviter l’utilisation de matériaux nocifs dans la fabrication des produits, à promouvoir la réduction du CO2, à stimuler l’utilisation de produits recyclés, …
- Social : il s’agit, par exemple, d’utiliser la formation professionnelle sur chantier, aider les PME à participer aux marchés publics, …
- Ethique : il s’agit ici de respecter les différentes conventions du Droit du Travail et des Droits des Hommes
2. Quid des réglementations belges en vigueur en terme de marchés publics plus responsables
En tenant compte dans leurs marchés publics de critères environnementaux, sociaux ou de respect des droits humains, les pouvoirs adjudicateurs ont la possibilité de diminuer l’empreinte environnementale de leurs achats, de favoriser l’intégration socioprofessionnelle d’individus, ou encore de renforcer l’accès des PME aux marchés publics, … C’est pourquoi des dispositions légales encouragent l’achat durable :
- Au niveau international :
Le 25 septembre 2015, les pays membres des Nations Unies ont adopter 17 objectifs de développement durable à atteindre d’ici 2030 dont un objectif entièrement consacré à la garantie de modes de consommation et de production durable. Cet objectif stipule également que les pratiques durables en matière de marchés publics doivent être encouragées.
- Au niveau européen :
La directive européenne 2004 consacrée aux marchés publics ouvrait la porte à la prise en compte d’exigences environnementales et sociales au sein des marchés publics
- Au niveau national :
La nouvelle loi des marchés publics entrée en vigueur le 30 juin 2017 facilite la référence à des labels, autorise la prise en compte de l’ensemble du processus de production, et à tenir compte non seulement du coût d’acquisition mais de l’ensemble des coûts liés au cycle de vie du produit.
En effet, l’Article 81 de la loi du 17 juin 2016 du code des marchés publics dicte les règles suivantes quand à l’attribution d’un marché :
« Le pouvoir adjudicateur se fonde, pour attribuer les marchés publics, sur l’offre économiquement la plus avantageuse. §2. L’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur est, au choix, déterminée : 1° sur la base du prix; 2° sur la base du coût, selon une approche fondée sur le rapport coût/efficacité, telle que le coût du cycle de vie, conformément à l’article 82; 3° en se fondant sur le meilleur rapport qualité/prix qui est évalué sur la base du prix ou du coût ainsi que des critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné »
En Belgique, nous pouvons également citer « le plan d’action national sur les Principes directeurs relatifs aux Entreprises et aux droits de l’Homme ». L’action 13 de ce plan porte sur le renforcement et le contrôle du respect des droits de l’Homme dans les marchés publics.
Outre ces mesures nationales, le paysage politique belge complique également la tâche sur la mise en application du développement durable au sein des marchés publics. En effet, ils existent également des réglementations spécifiques au niveau fédéral et régional (Wallonie, Bruxelles & Flandre) .
3. Quelle place occupe les achats durables dans les préoccupations des services adjudicateurs belges?
Un cadre légal existe autour des achats durables au sein des marchés publics. Cependant, en réalité, quelles attentions les pouvoirs publics portent-ils aux aspects environnementaux, sociaux et éthiques ?
A la demande de l’IFDD (Institut fédéral pour le Développement Durable), les chercheurs de la Radboud Universiteit Nijmegem ont réalisé, en 2017, une étude pour évaluer la place qu’occupent les achats durables dans les préoccupations des services adjudicateurs belges .
Pour effectuer cette étude, l’institut a analysé 145 186 annonces et 28 452 dossiers pour la période 2011-2017 se trouvant sur la plateforme E-Notification.
En résumé, cette étude démontre qu’entre 2011 et 2016, seul 23% des dossiers (autrement dit les avis de marchés publics) accordait de l’attention à au moins une catégorie d’achats durables. En effet, différentes données de l’étude ont permis de comprendre qu’il existe pour les pouvoirs adjudicateurs principalement 7 catégories principales d’achats durables, subdivisibles en sous-catégories au sein des marchés publics : ‘écologique’ (consommation énergie, transport,…), ‘économie circulaire’, ‘social’ , ‘local & PME’, ‘commerce éthique’ (commerce équitable, travail, …) , ‘innovation’ et ‘labels durables’.
De manière plus détaillée, l’analyse a permis d’entrevoir que ce sont les achats « écologiques » où on accordait le plus d’attention, suivi par le « commerce éthique » et les achats « sociaux ». Les pouvoirs adjudicateurs accordent, selon cette recherche, moins d’importance aux « labels durables », à « l’économie circulaire » et à « l’innovation ».
En conclusion, l’étude nous démontre qu’il n’existe pas de « one-best-way » pour acheter durablement, mais que l’on peut concrétiser la politique relative aux achats durables de nombreuses manières différentes.
4. Des outils & recommandations pour aider les pouvoirs adjudicateurs dans leurs démarches responsables
Malgré qu’il n’existe pas de « one-best-way » pour acheter durablement, de nombreux outils sont mis à la disposition des pouvoirs adjudicateurs. L’objectif de ces « guides », recommandations,… est de promouvoir l’achat durable et que ces critères soient repris de manière permanente au sein des dossiers de marchés publics.
Voici une liste non exhaustive, des outils mis à la disposition des pouvoirs adjudicateurs :
- Le Service public de Wallonie propose des guides des bonnes pratiques pour promouvoir l’achat durable, la concurrence loyale et pour le lutter contre le dumping social
- En Flandre, un guide offre un aperçu des mesures ainsi qu’un certain nombre de clauses que les acheteurs publics peuvent insérer dans leurs documents de marchés.
- Au niveau national, le Ministère de l’Energie, du Développement Durable, propose également un guide sur l’économie circulaire
- L’institut fédéral pour le développement durable propose également une analyse des bonnes pratiques des pouvoirs adjudicateurs en terme d’achats responsables
- Le gouvernement wallon a également opté pour un plan d’action entre 2017-2019 en ce qui concerne l’achat responsable
- Une charte relative à l’accès des PME aux marchés publics a vu le jour en janvier 2018. Cette charge rédigée par le SPF Economie s’adresse dans un premier temps aux pouvoirs adjudicateurs fédéraux et ce pour les marchés dits « classiques ».
- Le 16 mai 2019, 58 communes wallonnesse sont engagées, à travers la signature d’une charte, à tendre vers des achats durables et responsables au sein de leur administration et sur leur territoire.
- Outil « «échelle de performance CO2» :la région wallonne et flamande ont conclu un accord visant à lancer une vingtaine de projets pilotages, entre 2019 et 2022, qui introduiront des critères de performances dans les marchés publics afin de récompenser les entreprises plus efficaces en termes de réductions des émissions de CO2.
D’autres outils et recommandations ont également été rédigés par les institutions. Les institutions Européennes ont également mis en place des manuels tels que un manuel sur les marchés publics écologique : « Acheter vert ».
Au sein de notre Société, les marchés publics présentent de ce fait un potentiel économique considérable pour rendre les achats, et par conséquent les pouvoirs publics dans leur ensemble, plus écologiques, plus innovants et plus responsables d’un point de vue social et éthique.
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Sources : Comission Européenne, Guide des achats durables , IFFD
Par Charlotte LAMBERT – Marketing & Communication Officer