Comme tout acteur de la commande publique le sait, les marchés publics belges sont régis par la loi du 17 juin 2016 et ses arrêtés royaux d’exécution, notamment ceux du 18 avril 2017, le tout dans le respect des directives européennes.
Ces textes consacrent des principes essentiels tels que la bonne administration, l’égalité de traitement, la non-discrimination et la transparence. Autant de règles qui, bien qu’évidentes, sont parfois négligées.

Lorsqu’un opérateur économique est confronté à une attribution de marché douteuse, contester cette décision peut vite devenir un véritable casse-tête. Cet article présente les irrégularités les plus courantes ainsi que les principaux recours disponibles pour faire valoir vos droits.

 

Les points noirs des marchés publics irréguliers

 

Les procédures de passation peuvent comporter divers vices qui compromettent leur transparence et leur équité.

 

Un manque de communication sur l’offre

La diffusion insuffisante d’informations peut désavantager certains candidats, créant une inégalité entre opérateurs. Dans certains cas, cette opacité peut même être délibérée.

 

Les modifications du cahier des charges

Changer les conditions en cours de procédure sans redéfinir le cadre ni adapter le calendrier constitue une atteinte à la régularité du marché. De telles pratiques peuvent justifier une remise en cause de l’attribution.

 

Le non-respect des délais légaux

Des délais trop courts ou non conformes entravent la concurrence loyale et mettent en doute la fiabilité du processus.

 

Des critères de sélection flous

Lorsque les critères d’attribution sont imprécis ou mal formulés, ils ouvrent la voie à des interprétations et évaluations subjectives. Cette absence de clarté peut fausser la concurrence et engendrer des litiges.

 

 

Une évaluation pas tout à fait dans les règles

 

L’un des motifs de contestation les plus fréquents concerne l’évaluation des offres.
Une erreur d’appréciation, une mauvaise application des critères ou encore leur interprétation subjective peuvent aboutir à une inégalité entre candidats.
De même, la vérification insuffisante de la régularité ou de la conformité technique des propositions peut mener à la sélection d’une offre irrégulière ou au rejet injustifié d’une offre valable.

Dans ce type de situation, le juge du référé peut censurer la décision d’attribution et, le cas échéant, en ordonner l’annulation.

 

 

Violation des principes fondamentaux

 

Les principes d’égalité de traitement, d’impartialité et de transparence constituent la base de toute procédure de marché public.

Lorsqu’ils sont bafoués, par exemple en cas de favoritisme, d’échange d’informations privilégiées ou de lien d’intérêt entre le pouvoir adjudicateur et un candidat, la contestation est pleinement justifiée.

Ces manquements peuvent entraîner la suspension ou l’annulation du marché par l’autorité compétente.

 

 

Les recours possibles en Belgique

 

Avant toute action formelle, il est conseillé de demander des explications ou un réexamen au pouvoir adjudicateur. Si la réponse n’est pas satisfaisante, plusieurs voies de recours légales s’offrent à vous.

 

La demande d’annulation

Vous pouvez introduire une requête en annulation si vous avez été lésé, ou risquez de l’être, par la décision formulée.

L’instance compétente dépend de la nature de l’autorité :

  • le Conseil d’État pour les autorités administratives (communes, CPAS, intercommunales, etc.) ;
  • le juge judiciaire pour les autres cas.

Le délai pour introduire cette demande est de 60 jours à compter de la publication, de la notification ou de la prise de connaissance de la décision contestée.

 

La demande de suspension

Si la décision semble illégale, il est possible d’en demander la suspension temporaire.

Cette procédure, menée en urgence, doit être introduite dans un délai de 15 jours.

Le Conseil d’État (ou le juge judiciaire) peut suspendre la décision et ordonner des mesures provisoires pour corriger la violation.

Cependant, la suspension peut être refusée si ses conséquences seraient plus préjudiciables que bénéfiques pour l’intérêt public.

 

Les dommages et intérêts

Lorsqu’un candidat démontre avoir subi un préjudice du fait d’une irrégularité, il peut obtenir des dommages et intérêts.

En procédure ouverte ou restreinte fondée uniquement sur le prix, une indemnité forfaitaire de 10 % du montant hors TVA de l’offre peut être accordée.
En cas de corruption, une indemnisation complète est possible.

Le juge judiciaire est compétent, sauf si une indemnité réparatrice est demandée devant le Conseil d’État.

Le délai d’introduction est de 5 ans.

 

La déclaration d’absence d’effets

Ce recours vise à annuler un contrat déjà conclu en cas d’irrégularité grave, notamment :

  • absence de publicité européenne obligatoire,
  • non-respect du délai d’attente ou d’une violation caractérisée.
    Le juge peut prononcer une annulation rétroactive totale ou partielle, ou infliger une pénalité financière de substitution.

Toutefois, le marché peut être maintenu si des raisons impérieuses d’intérêt général le justifient.

Le délai de recours est de 30 jours à compter de la publication ou de la notification, ou 6 mois après la conclusion du contrat si aucune information n’a été publiée.

 

Les sanctions de substitution

Le juge judiciaire peut sanctionner le pouvoir adjudicateur sans annuler le contrat, en :

  • abrégeant la durée du marché, ou
  • imposant une pénalité financière (jusqu’à 10 % du montant hors TVA).
    Ces pénalités sont versées au Trésor public et peuvent se cumuler avec des dommages et intérêts.

Le délai pour introduire un tel recours est de 6 mois.

 

 

Un recours réfléchi et adéquat

 

Avant d’entamer toute procédure, il est essentiel d’évaluer la situation pour envisager le bon recours.

Echanger avec le pouvoir adjudicateur peut parfois suffire à lever une ambiguïté ou à corriger une erreur.

Dans d’autres cas, une action en justice est inévitable pour l’équité et la transparence du processus.

Un recours réfléchi, fondé sur une analyse rigoureuse et introduit dans les délais légaux, constitue la meilleure garantie pour faire respecter vos droits tout en préservant l’équilibre entre intérêt public et intérêt privé.

 

Sources : Wallonie.be, UVCW.be, Bosa.be

Article rédigé par Eva Cauchebrais, Digital marketing & communication officer